UN FOLKLORE BRÉSILIEN À LA MATERNELLE

Tombée sous le charme des cultures brésiliennes il y’ a maintenant 16 ans, percussionniste et danseuse au sein de différentes batucadas (ensemble de percussions brésiliennes), je développe une affection toute particulière pour le folklore du « Bumba-meu-Boi » signifiant « le bœuf joyeux ». Sollicité en 2018 par Béatrice Audouin, directrice de l’école maternelle Henri Lesage à Vertou (44) afin de mettre en œuvre le Parcours Culturel d’Éducation Artistique et culturelle, je saute sur l’occasion pour adapter cette magnifique fête folklorique avec l’ensemble de l’équipe pédagogique et ce, en faveur des 142 élèves de maternelle. 60 séances et 2 filages plus tard, c’est sous le regard ébahis des familles que ce projet ambitieux d’Opéra populaire unique en son genre voit le jour lors de la fête de l’école.

 

Traditionnelle fête brésilienne interdite pendant près d’un siècle dans son pays, le Bumbà-meu-boi est désormais reconnue et inscrit au patrimoine culturel du Brésil par l’Institut du Patrimoine National (IPHAN). Quasiment méconnue en France, ce folklore est pourtant la deuxième expression culturelle célébrée dans tous le Brésil après le carnaval et si elle ne puise pas son origine dans le Nord-est du Brésil, sa célébration reste néanmoins la plus importante manifestation folklorique de l’État de Maranhão. Tous les ans célébrée en juin, cette parade d’envergure vise à réconcilier les peuples en plaçant la joie au-dessus de toutes les relations complexes issues des conséquences historiques, sociales et religieuses nées de l’époque coloniale.

Un peu d’histoire…
La fête du Boi puise ses profondes origines dans les cultes africains « dança de preto »: danse noire et transgressive développée en résistance face à la domination coloniale. Celle-ci a pour objectif de révèler les relations de pouvoir, de non-conformité et d’insubordination des esclaves envers leurs seigneurs. Dans le Nordeste du Brésil, de nombreuses associations sont appelées « Bumbà-meu-boi » ou « Boi », elles effectuent des parades folkloriques ou d’autres types de présentations empruntant la figure d’un bœuf magique afin de célébrer le lien unissant à la fois les cultures noires, autochtones et européennes et par extension toutes les cultures. Singulière et autonome, la tradition du Boi est inspirée à la fois du théâtre, de la musique, du cirque, de la danse et de la poésie. Héritée des relations établies entre les différents peuples pendant les périodes coloniales, elle consiste en une théâtralisation chantée et dansée s’adaptant selon les régions et les légendes du pays, selon les cultes religieux des populations et se situe également en réponse aux actualités des évènements et enjeux socio-politiques. Cette manifestation profane prônant une dimension syncrétique est cependant associée aux fêtes religieuses catholiques et se célébre pendant la période des festivités de la Saint Jean. Le bœuf, mis en scène dans sa vie, sa mort et sa résurrection aspire à réunir les peuples et vise à construire un monde meilleur en répandant la joie autour de lui. Avec Bumbà-meu-Boi, chaque histoire, ethnie, culture, religion est respectée et l’interrelation entre les différentes origines devient belle et constructive.

 

Et pourquoi pas chez nous ?
L’équipe pédagogique de l’école maternelle Henri Lesage souhaitait amener ses élèves à découvrir l’ensemble du continent Américain et en particulier l’Amérique du sud. C’est ainsi que dans la tradition du flolklore, selon les désirs et avec l’aide de chaque enseignante, j’ai fait une proposition de synopsis reprenant les différents « itinéraires » du continent américain que chacune proposait. J’ai écris un scénario en 5 actes ,1 épilogue et 1 final (19 scènes au total), distribuée les rôles principaux, élaborée et enseigné les 19 chorégraphies, composée les 19 bandes sonores, mis en scène et contée l’histoire lors de la représentation finale devant un public saisi. Voilà comment en 1h30 avec les 142 élèves de toute petite, petite, moyenne et grande sections nous sommes allés à la rencontre des traditions, des musiques, de la faune et de la flore du Brésil, de la forêt Amazonienne, du Mexique, de la Bolivie et des plaines du Far West d’Amérique du Nord. Une aventure magnifique par laquelle les enfants ont développé leurs capacités expressives à travers la danse, le théâtre et le mime, ont appris à faire ensemble, à investir l’espace, à écouter. J’ai pu m’appuyer sur les ressources de certains élèves en leur donnant des rôles de leader et les accompagner à mener les autres. C’est en me plaçant devant la scène et en narrant l’histoire au micro que les élèves ont pu suivre, pas à pas, le fil de l’histoire.
Je remercie vivement Béatrice Audouin, la directrice, pour sa confiance et son engagement (qui à tenu à fabriquer le bœuf elle-même) , ainsi que les enseignantes, les ATSEM mais également l’Amical Laïque de Vertou (qui nous a fourni 142 costumes) sans qui la réalisation de ce projet vertigineux n’aurait pu avoir lieu. Ce fût une expérience fabuleuse qui m’a été donnée d’avoir entrainé l’équipe pédagogique, les enfants et leurs familles dans la danse joyeuse et les valeurs humaines du Bumbà-meu-boi, expérience qui je l’espère, ne fait que commencer !

 

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